samedi 17 janvier 1998, 15h22 heure de Paris

Tension et pillages à Java sur fond de crise économique

par Dean Yates

DJAKARTA, 17 janvier, Reuters - La situation sociale s'aggrave en Indonésie où, pour la deuxième journée consécutive, des magasins ont été pillés dans l'est de l'île de Java en réaction à la hausse des prix provoquée par la crise économique, ont rapporté samedi des témoins.

Le calme semblait être revenu samedi dans les zones troublées après les pillages de jeudi et vendredi. Selon un journaliste qui s'est rendu dans la région, plusieurs quartiers de Banyuwangi ont été pillés vendredi par la population, armée de couteaux et de faucilles.

Les pillards exigeaient que les marchandises leur soient vendues aux prix antérieurs à l'effondrement de la roupie, l'an dernier.

Parmi les autres villes touchées figurent Jember, au sud-est de la capitale provinciale Surabaya, et Muncar. Si les pillages avaient cessé, les magasins restaient fermés samedi que ce soit à Muncar ou à Jember, où l'armée et la police anti-émeutes patrouillaient. De même, les magasins de Banyuwangi, à la pointe orientale de la province, avaient tous rideaux baissés.

Ces pillages font suite à des mouvements paniques d'achat signalés à Djakarta et dans d'autres villes de l'archipel la semaine dernière à la suite de la chute brutale de la monnaie, qui sur une seule journée à perdu 18% de sa valeur.

Jeudi, le président Suharto, qui dirige l'Indonésie depuis 1965 et sur lequel courent des rumeurs de mauvaise santé, a annoncé la conclusion d'un accord avec le FMI pour tenter d'arrêter la curée sur les marchés financiers.


Les Chinois en ligne de mire


Il a pronostiqué une croissance zéro et une inflation de 20% pour l'année fiscale 1998/1999 (d'avril à mars). Ces prévisions ont fait trembler le pays et réveillé le spectre d'une guerre civile.

Avant même la conclusion de l'accord avec le FMI, la hausse des prix avait déjà provoqué des troubles, notamment dans l'est de Java, province profondément musulmane peuplée de 35 millions de personnes. La même province avait connu ces derniers mois une grave sécheresse, due au phénomène climatique El Niño, qui a détruit pour partie la récolte de riz.

Pour tenter de remédier à la situation, le gouvernement de Djakarta a annoncé la semaine dernière qu'il allait faire passer les importations de riz à court terme de 1,5 à deux millions de tonnes.

Les autorités craignent néanmoins que les pénuries alimentaires ne s'étendent à travers le pays, notamment à l'approche de l'Aïd el Fitr, fête marquant la fin du mois de jeûne du ramadan, fin janvier. A cette époque, des millions de personnes se rendront dans leurs villages d'origine.

La crise actuelle met en relief les divisions ethniques au sein de la société indonésienne. A Muncar par exemple, certains commerçants ont affiché sur les portes de leurs échoppes "musulmans" pour que la population les distingue bien des Chinois.

Majoritairement musulmane, la population ressent très mal la domination de la communauté chinoise sur le petit commerce et, selon les observateurs, celle-ci pourrait être prise pour cible si la crise économique venait à perdurer.


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